LE DEBUT D'UNE SUITE?
J’ai encore remplacé Michel , presque tout les soirs ou je suis de congé depuis environ trois mois. Un autre qui vient bosser à reculons quoiqu’il ait des circonstances atténuantes à ce je crois savoir. Moi, je ne refuse jamais les suppléments de fric, lui doit sacrement être dans la merde. Il va quand même falloir que je prenne des congés même s’il me fait un peu pitié. Je déteste ce sentiment qui sous-entend une supériorité inavouable et rassurante.
L’après midi est un autre monde, de plus en plus bruyant avec les courses a Vincennes et ensuite les sorties de travail avec ses défouloirs et ses dragues plus ou moins explicites. Les vrais amoureux ne sont pas encore là, les vrais alcooliques si. Pas encore emmerdants mais à manier avec précautions, trouver des petits trucs pour retarder la livraison de la prochaine dose. C’est peu de chose pour prévenir, peut-être suffisant pour éviter les esclandres.
Voila Marielle, visiblement une forte nature avec une voix à sa mesure. Je ne l’avais vu qu’une fois en passant, habituée pourtant d’après mes collègues.
Elle n’avait pour elle que son sourire et son intelligence. Pas un sourire carnassier qui montre les dents juste une métamorphose de son visage en une invitation à la joie. Une intelligence à vous hacher menu si vous parveniez à l’importuner mais à vous transporter si vous l’écoutiez un tant soit peu. Son corps malade parvenait parfois à voiler son regard d’une tristesse passagère mais si profonde que des larmes pointaient quelquefois aux bords de mes yeux. Elle parlait beaucoup comme pour conjurer ses interrogations mystiques. Je n’étais le plus souvent que sa seule oreille attentive. Obligé de servir quelques autres clients avides de leurs boissons addictives, je perdais souvent le fil, mais elle savait me raccrocher. Moi et les quelques habitués dont l’attention s’était dispersée sur les départs ou les nouveaux arrivants. Malheureusement elle marchait au gin tonic et vers les neuf heures ses propos n’étaient plus que des hiéroglyphes sans pierre de rosette . Elle s’en rendait soudain compte et s’enfuyait comme un fantôme trop matériel pour survivre longtemps. J’avais toujours à faire mais je goutais le bref silence de son absence. Un personnage était passé.

Commentaires

Siréneau a dit…
Réaliste, sensible et émouvant, ma parole, à croire que tu passes ta vie au troquet Le Champollion ! Il n'y a pas de suite, il y en a des centaine,s c'est une mine cette histoire ;)
Bien à toi.

Posts les plus consultés de ce blog